A l'heure des bilans, et pendant ce grand débat sur l'avancée ou le recul de la démocratie par les ornières de la suppression de la publicité à la télévision, je voulais faire un retour sur quelques évènements qui n'auront marqués que le microcosme lié à l'art contemporain. Tempêtes dans un verre d'eau, ou petits signes qui n'offusquent personne, chacun peu y accorder la valeur qu'il veux, et faire les rapprochements qu'il trouve opportuns avec la revente sans état d'âme des Demoiselles d'Avignon au MoMA en 1939...

1 - l'annulation de Il tempo Postino au Châtelet : j'en avais parlé à l'époque sur le signe d'une déception de ne pas voir un spectacle pour lequel j'avais pris mes places quelques 7 ou 8 mois auparavant. Une dizaine de mois après cette annulation, je ne comprends toujours pas pourquoi ce qui peut être montré au public de Manchester qui exprime sereinement son avis peut être jugé inapproprié pour Paris. Cette histoire me renvoie à la censure de Sonic Boom de Vandekeybus au théâtre de la ville ou encore, dans un autre registre, à la déprogrammation d'une pièce de Peter Handke simplement parce que le directeur de la Comédie Française a découvert (bien en retard sur le reste du monde) une attitude pro-Milosevic personnelle de l'auteur. Je pense que l'identification du directeur d'un théâtre à l'institution n'est pas étrangère à ses prises de positions personnelles au mépris du public. Il n'en reste pas moins qu'il est dommage que le public lui-même n'ait pas le choix d'accompagner ou pas la création contemporaine.

2 - les réactions à l'expo Jeff Koons (oui, je sais je me répète): même si j'ai pris un malin plaisir à lire les réfractaires, j'ai été, pendant le bref moment où cette exposition a occupé les médias, effaré par l'absence de mise en perspective. Aucune analyse sur la place de Koons dans l'art contemporain, ou sur son expo au Met, aucune envie d'offrir au visiteurs de Versailles l'occasion de se faire leur propre opinion. C'était une mode, ou du copinage d'Aillagon: croyez nous, on vous le dit! Et bien, moi, je répète que Versailles, comme le reste de la France, a tout intérêt à s'intéresser au monde d'aujourd'hui, et laisser au temps de faire le tri, par la suite. Que Koons soit une vague ou un ras de marée, ce ne sera pas la première fois que Versailles aura porté quelque chose d'important ou une mode passagère. Que des gens s'attachent à le momifier me dépasse. Que des gens s'attachent à momifier le reste aussi.

3 - le décrochage d'Oleg Kulik à la Fiac: alors là, je crie au loup! et pourtant, je n'avais rien dit à l'époque. je me suis juste promis d'écrire ce billet, quand j'aurais le temps. Je n'avais rien dit à l'époque, et les médias à peine. Ils se sont contenté de préciser que les policiers qui ont effectué le décrochage étaient en civil. Là aussi, il s'agissait de ne pas laisser les gens juger par eux-mêmes. Non, au nom de l'intérêt supérieur des enfants qui errent sans surveillance dans une expo destinée à vendre des oeuvres d'art (25 euros l'entrée), on retire des œuvres déjà présentées à Paris comme ailleurs. Elles ont choqué des douaniers, et il s'est trouvé un magistrat pour leur donner raison, et même à ordonner la mise en garde à vue des galeristes. L'année prochaine, on se lamentera à nouveau que la FIAC n'arrive pas à se positionner parmi les foires mondiales, mais on oubliera ce mépris assené à la création : après tout pourquoi s'en souvenir si les policiers étaient en civil?

Obsédés par l'exception culturelle, certains voudront toujours garder la France dans un état figé. Ils n'ont sans doute jamais été au MoMA se demander, devant cette magnifique toile, comment se fait-il que cette œuvre majeure du XXème siècle, peinte à Paris, se soit retrouvée à New York?