Rien ne vaut les réactions à retardement pour ne pas oublier les choses aussi vite que les polémiques médiatiques s'estompent.

Retour donc sur la décision du ministère de la santé de continuer à refuser le don de sangs des hommes ayant eu des relations sexuelles avec d'autres hommes. Cette réaction a provoqué ici ou ailleurs des réactions que je trouve plutôt légitimes.

Ce que je ne partage pas en revanche, c'est la formulation qui en est souvent donnée, notamment dans le premier titre de l'article paru sur le site internet du Monde, à peine plus long qu'une dépêche, et qui résumait l'affaire: les homosexuels masculins ne pourront toujours pas donner leur sang, titre qui a été reformulé en Les homosexuels masculins toujours exclus du don du sang un peu plus explicite peut-être, sans que l'article clarifie vraiment les choses. Je m'en vais donc le faire moi-même, en quelques points, pour les quatre pelés et le tondu que sont les lecteurs de mon blog:

Premièrement: donner son sang n'est pas un droit mais un devoir.
Le don du sang bénévole est important dans une société qui ne veut pas voir basculer son système vers un don rémunéré qui peut pousser les donateurs à mentir (sur leur état de santé ou le nombre de dons effectués) par besoin pécunier. Pour conserver le système, les personnes en bonne santé doivent donc donner régulièrement leur sang, et l'établissement du sang fait régulièrement des campagnes pour encourager ceux qui ne le font pas à le faire. Refuser le sang d'une catégorie globale de gens reviens, en premier lieu, à mettre en danger le système de bénévolat et les malades qui ont besoin de sang.

Deuxièmement: une proportion plus élevée de malades ne veut pas dire plus de risque
L'EFS demande à toute personne ayant eu des rapports non protégés avec un nouveau partenaire (ou partenaire non stable) durant les 3 derniers mois de différer son don, et ce pour des raisons bien connues et bien claires. Les virus ne sont pas aisément détectables si la contamination est récente. En revanche les virus sont autant détectables s'ils résultent d'une relation hétérosexuelle qu'une relation homosexuelle, et quelques soient les statistiques sur la population. On ne peut pas justifier d'exclure une catégorie entière de personnes par une proportion élevée de personnes contaminées (sachant que celles-ci sont d'office exclues). Ça n'a aucun sens scientifique

Troisièmement: il ne faut pas confondre principe de précaution et méfiance due aux préjugés
Le principe de précaution consiste à préférer un statut quo en raison de l'incapacité à prévoir les conséquence du changement. Sur quoi peut reposer le doute quant à accepter le sang de personne ayant eu des relations homosexuelles masculines dans les mêmes conditions que les autres personnes: l'existence d'un nouveau virus dont ils seraient les seuls porteurs? une plus grande difficulté à détecter le virus? Là aussi ces questions n'ont aucun fondement médical. Reste la question sociale concernant l'honnêteté de l'affirmation : je n'ai pas eu de rapport sexuels non protégés durant les 3 derniers mois, ou alors avec mon partenaire avec qui j'entretiens une relation stable. Mais, voyez vous chez les homos, la promiscuité est de mise, pas la fidélité... Peut-être que le donnateur s'est fait tromper et il ne le sait pas... Cela relève du préjugé, pas de la précaution.

Quatrièmement : assumer les préjugés aussi ostensiblement a des conséquences
Je me vois mal militer pour donner mon sang. Si on n'en veut pas, on assume les conséquence. La France a décidé de s'en passer, et gère finalement ses stocks suffisamment aux dernières nouvelles. Cependant, ce refus a un sens. Il dit à tout un chacun que l'homosexuel masculin est une personne à risque. Ainsi celui qui à 18 ans aura déjà fait tout le chemin pour s'assumer (ou aura fait ses cochonneries en cachette) se verra une fois de plus claquer la porte au nez à l'EFS qui lui expliquera donc, par A+B, qu'on se méfie de lui, parce que s'il n'a pas le sida, il a peut-être une autre cochonnerie qu'on ne connaît pas encore. Ses camarades hétéros feront les virils et auront le sentiment d'avoir fait une bonne chose. Et lui sera prévenu qu'il y a encore du chemin à faire, et que s'il y a encore une gay pride tous les ans, c'est pas pour rien.

Il ne sert à rien d'inscrire la lutte contre l'homophobie au programme de l'éducation nationale si l'Etat la pratique aussi ostensiblement. Une des campagnes récente de l'EFS est d'ailleurs criante d'hypocrisie par rapport notre affaire du jour. Blancs, Noirs, Jeunes Vieux, Blonds, Bruns... Je n'ai pas réussi à retrouver l'affiche, mais vous comprenez le principe. Il reste une catégorie qu'on peut discriminer ouvertement, à condition de prendre quelques précautions.