J'ai une très bonne mémoire... et souvent, je me souviens de bien de choses inutiles: des conversations vielles de quelques années, ou des articles que j'ai lu dans le journal de Mickey il y a une éternité... si, si... mais je n'aurais jamais imaginé qu'une conversation dans un bus à Vienne en 2003 pourrait me revenir spontanément pendant un spectacle six ans plus tard.

Bon, c'est moins tiré par les cheveux que ça ne semble: la conversation portait sur le même chorégraphe, Josef Nadj, qui présentait alors un spectacle que je n'ai jamais vu, mais qui, si mes souvenirs (et mes archives) sont bons, s'intitulait Journal d'un disparu. Une danseuse, qui préparait aussi un mémoire sur les arts du spectacle racontait à une amie à moi, danseuse aussi, qu'elle l'avait interviewé à propos du spectacle en question, et qu'il lui avait expliqué l'origine de chacun des objets présents dans le spectacle avait une explication qui venait de son parcours personnel, et de celui d'un ami à lui, disparu. Une discussion avait suivi sur si c'était important ou pas que ces objets aient une signification personnelle ou pas, si le public n'avait aucun moyen de l'identifier.

Flashforward en 2009. Entracte est présenté au Théâtre de la Ville, et le début me fait surtout penser à Mary Wigman, dans cette vidéo vue au Centre Pompidou il y a quelques mois. Je suis resté à moitié amusé, à moitié intéressé par ce mélange de rite et de danse, et à moitié agacé par une danseuse qui bouge comme une chanteuse d'opéra, intrigué par quelques effets visuels, hâpé par un rituel étrange suivi par un solo de Nadj, impressionnant dans sa façon de se redresser sur la pointe des pieds avant de retomber à 4 pattes...

C'est entre ces effets visuels que je me suis souvenu de la conversation citée plus haut. Tous ces objets et stratagèmes auraient donc un sens précis, et plutôt que d'essayer de deviner leur relation à la vie personnes des créateurs du spectacles, je peux leur plaquer ceux que je veux, dans la continuité des rites religieux, et de ce mélange entre art et mort que m'évoquait déjà Mary Wigman et le début du spectacle. Ainsi, le mélange de la peinture jaune et bleu pour donner du vert peut être une évocation de la première création du peintre (fabriquer des couleurs), alors que la peinture de tortue renvoie à la longévité... tout geste, motif, prenait forcément un sens, plus ou moins fugitif, à un rythme frénétique, jusqu'au bout de la pièce: art, vie, mort, vie, art, mort, art, mort, vie,art... lequel forme l'entracte entre les deux autres?