Jérôme Bel présentait la semaine dernière un nouveau spectacle à Londres, au Saddler Wells, d'abord programmé sous le titre "27 performances", et renommé avant la première en "A spectator". Plutôt qu'une histoire de la danse, il y raconte, en quatre parties, son expérience de spectateur : le désir de voir d'assister à un spectacle, être un bon spectateur, être ému et transformé par un spectacle, et une quatrième partie dont je ne me souvient plus de l'intitulé mais qui, si je me souviens bien, tournait autour de qu'est-ce qu'un spectacle.

Pendant une heure, approximativement, Jérôme Bel parle, face au public, un homme, dans le public hoche sa tête, et grogne en consentement à tel point que je finis par me demander s'il est payé par Saddler Wells ou pas. On est pas loin de l'arroseur arrosé, car le spectateur qui vient voir un spectacle se retrouve à entendre un discours semblable au sien: j'ai vu ça la semaine dernière, c'était pas mal, mais il s'est passé tel truc (et moi de me dire que j'ai bien fait de ne pas tenter d'aller voir Maguy Marin au Théâtre de la Ville la semaine d'avant)... sauf que le texte est plus structuré qu'il n'y paraît en prime abord, et le contenu captivant - au point de faire grogner de consentement un mec deux rangs devant, très régulièrement.

Captivant? oui, parce qu'en faisant des lien, ce chorégraphe spectaclophage, citant des spectacles que je n'ai jamais vus, arrive à faire vivre des moments sur scènes, des situations auxquels son public se retrouve confronté, les mêmes questions qu'ils peuvent se poser. Dans la même lignée que son entretien avec Pichet Klunchun il y a quelques années, il assume sa volonté de faire un art qui ressemble à ce que peut faire tout un chacun. Dans la même lignée que The show must go on, il traduit en spectacle des réactions anodines, communes, invitant à se joindre à la danse, à la réflexion. Est-ce que chaque spectateur se retrouve dans ce souvenir d'être resté sans savoir pourquoi, d'avoir aimé un spectacle à cause d'une belle danseuse, ou d'avoir arrêté de jeté des choses par terre après une scène d'un spectacle de Pina Bausch? Y'en a un qui acquiesce là, en grognant.

Visiblement tendu, au point de trébucher là où il devait simplement marché, Jérôme Bel livre une très belle réflexion, mais il manquait au spectacle la rigueur gestuelle qui faisait la force du dialogue avec Pichet Klunchun. Dans ce précédent spectacle, l'alternance entre les moment assis à parler, et les moments de démonstration de danse était très forte et faisait ressortir la danse de façon très forte, aussi minimaliste soit-elle. Dans un spectateur, la position debout, les gestes un peu nerveux, empêchent se contraste... C'est dommage, mais ça n'empêche pas d'apprécier la démarche. On se pose la question "spectacle ou conférence?" évidemment. on hoche la tête en grognant. pas tous, évidemment, juste la personne deux rangs devant. les uatres applaudissent très fort. et comme décrit dans la pièce, on sort en discuter.