On avait l'habitude de partir à 7h35, et pour celà, on quittait la table de petit déjeuner vers 7h30 pour se préparer. Pour gagner un peu de temps, j'avais l'habitude de laisser mon cartable dans l'entrée, mais ce jour là j'avais oublié de le faire. C'était un cartable bleu marine (très foncé) et jaune. Je l'avais oublié dans ma chambre, et je me souviens que j'avais couru pour le chercher, ma mère retenant la porte de l'ascenseur. Une de mes soeurs était, en Première S, avait un devoir de mathématiques ce matin là (à l'époque on disait "compo" ), et elle s'était énervée car elle avait peur d'être en retard. C'est lorsque je suis arrivé dans l'entrée que nous avons entendue la première explosion. La deuxième et arrivée à peine après que quelqu'un ait demandé "qu'est-ce que c'est?". Deux ou trois autres suivirent, je ne me souviens plus très bien, avant qu'on ressorte de l'ascenseur, et qu'on se rende compte que ce n'est pas un jour où on peut aller à l'école.

Je me souviens que ma soeur avait insisté que ma mère appelle à l'école pour demander si la compo de maths était maintenue , et je me souviens qu'on lui avait répondu "Madame, si vous n'êtes pas sortis de chez vous, c'est tant mieux, surtout ne sortez pas".

J'imagine qu'on a vite eu le réflexe d'allumer la radio aussi, mais je ne me souviens pas du moment où on a appris que c'était un bombardement de l'armée libanaise, bombardement aléatoire comme ils disent chez nous, sur Beyrouth Ouest.

Les mois qui suivirent sont plus flous: il y a eu une période où, avec ma soeur, on était simplement ravis de rater l'école, mais il y a eu aussi des périodes où on se rendait compte du sérieux de la situation. Je garde beaucoup de souvenirs de cette année là, l'année de mes dix ans, mais rien n'est aussi clair que le souvenir de ces quelques minutes après le petit déjeuner et le va et vient jusqu'à l'ascenseur le 14 mars 1989.