Il y a une dizaine de jour, un fait divers a été rapporté par les journaux sous la forme suivante: "une oeuvre controversée détruite à Avignon"
L'oeuvre en question est une photo d'Andres Serrano, datée de 1987, intitulée "Piss Christ". Elle représente un crucifix, plongé dans un liquide jaune (l'urine de l'artiste, d'après les descriptifs de l'oeuvre), avec une lumière qui tire sur le rouge. L'ensemble est ouvert à interprétation. Et la richesse des possibilités, font, dans ce cas, un des forces de cette oeuvre.
Si l'ensemble des articles, que j'ai lus à propos de cet incident, mentionnaient d'une façon où d'une autres les motifs de la destructions, et la mobilisation contre l’exposition, aucun ne mentionnait que l'oeuvre a été exposée il y a deux ans, sans incident, au Centre Pompidou, dans le cadre de l'exposition "Traces du Sacré". On se contente de faire un panorama des oeuvres ou images qui ont choquées les religieux ces dernières années (publicité de Marithé + François Girbaud ou Benetton), et on en tire la conclusion facile que cela a toujours existé!
Pourtant, sans que ce ne soit un fait inédit, n'est-il pas plutôt à lire dans une tendance actuelle? J'ai parfois l'impression de radoter, mais je reste étonné que, lorsque les journaux font un rapprochement avec "Présumés Innocents", l'exposition de Bordeaux qui a été cible de contestations et de procédures judiciaires, ils omettent de préciser que les responsables de l'exposition ont attendu plus de 10 ans avant qu'on leur foute la paix. Ils omettent de relever les conséquences que ça a, sur les institutions (radotons encore), alors que l'exposition Larry Clark a fermé ses portes à peine 4 mois plus tôt.
Pour ma part, j'aurai tendance à voir dans tous ces faits, qu'ils soient minimes ou graves, une suite logique dans laquelle la liberté perd un peu de terrain au profit de cette définition inégalitaire apparue en France en 2003 avec les lois sur le raccollage passif et la mendicité agressive, et réaffirmée récemment avec celle portant sur la dissimulation du visage: la liberté des uns s'arrête là où commence le regard des autres