C'est qu'on avait pris nos billets un an à l'avance, après les différents abonnements qui avaient fini d'achever ce qui restait sur nos compte en banques, et qu'à ce moment, on n'a pas d'autre choix que de radiner, et de se dire "l'important c'est surtout d'écouter", et de prendre une place en galerie pour le grand retour de Cécilia Bartoli, dans un opéra mis en scène... Avec le recul, on perçoit un peu l'absurdité du raisonnement, mais sur le moment, ça paraissait un bon compromis.

Un an plus tard, celui qui avait dit "tu es sûr que tu veux prendre des places, on a beaucoup de choses à voir déjà l'année prochaine", n'a pas manqué une seule des interviews de la Bartoli que nous ont servies les radios la semaine précédente. Il a tiqué à chaque fois que je reprenais les escaliers pour monter un étage de plus, et s'est exclamé "ah bon on est ici" en s'installant dans la petite loge de côté du quatrième étage du Théâtre des Champs Elysées.

Après une ouverture superbe, le premier acte est passé assez rapidement, me permettant de me rendre compte que tout le monde était en forme, et que mon copain avait l'air de bien apprécier Edgardo Rocha dans le rôle de Rodrigo.

C'est après l'entracte que la tension est montée pour atteindre les sommets. Du haut de nos places de galerie, on ne voyait que la moitié gauche de la scène, ce qui était une sorte de mise en abîme de la mise en scène qui jouait elle-même sur le hors champs. On oublie vite tout ça, face aux frustrations du livret lui-mêmes avec des personnages qui ne disent as ce qu'ils reprochent pour mieux se planter et se retrouver à chanter tout trois, dans un magnifique trio, exactement la même chose, en comprenant chacun ce qu'il veut. Ce trio Otello/Desdemona/Rodrigo m'a tiré une petite larme, et l'enchaînement de l'acte, où chaque personnage prend la pire décision à chaque fois (c'est une maladie qui semble frapper souvent les personnages dans les opéras), a fini de m'achever, à coup de "Misera", "Pietà" et Crudeltà", chantés notamment par une Cécilia Bartoli particulièrement émouvante, et répétés par un choeur effaré.

A l'acte III, nous étions désormais habitués à voir l'opéra en mode Alien, avec la peur du hors champs. La mise en scène a poussé la cruauté jusqu'à nous assener une phrase du livret, sur la douleur de se souvenir du bonheur, pendant que les personnages poussent leur logique auto-destructive jusqu'au bout, au lieu d'envoyer par sms "si tu reviens, j'annule tout". On se met quand même à espérer que ça se passe différemment cette fois, juste cette fois, parce que tu vois elle chante si bien qu'il va finir par comprendre cet imbécile qu'elle ne le trompe pas... Spoiler Peine perdue. Tout finit mal, comme il se doit!

Et voilà, c'est les applaudissements, après quelques secondes pour se ressaisir... Chacun salue à son tour. Edgardo Rocha, a l'honneurs d'un grand déluge d'applaudissements, et de quelques bravos dont un qui a fusé à ma gauche. C'est le tour de Cécilia Bartoli de saluer, et elle a attrape à la dernière seconde un bouquet de rose qui lui a été littéralement balancé à la figure. C'est là que mon copain, un peu désemparé d'avoir lâché trop de bravos à Rocha pour pouvoir trouver un moyen de surpasser ça en applaudissant maintenant, a lâché un grand "Wou-Hou-Hou" qui dans la salle a sans doute du passer pour une malencontreuse huée... L'a-t-elle entendu, qu'on est sûrs de savoir à qui reprocher une nouvelle absence de 20 ans!

Et sinon, ça coûte combien un Paris-Zurich?